dimanche 10 août 2014





A cinq ans, à la garderie, je joue avec un petit garçon. On se met du fluo sur les ongles pour faire comme si c'était du vernis. La surveillante l'engueule et lui fait enlever ça avec un mouchoir. "C'est pour les filles". Elle le crache comme une insulte.

A six ans, au stand de la foire, la dame me montre tout ce qui est rose. Je choisis l'arc à flèches. La semaine d'après, les faux ongles.

A neuf ans,  un jour dans le rang en sortant de la cour de récréation;  un garçon m'a mis la main aux fesses.Outrée, j'ai signalé le délit à la surveillante qui a dit au garçon d'aller au bout du rang. Sans plus. Une petite fille m'a alors regardée comme si j'étais dingue "Mais pourquoi t'as été le dire? Les garçons me touchent tout le temps les fesses, c'est pas grave!"

A dix ans, le garçon dont j'étais amoureuse a demandé à une fille de la classe d'aller au cinéma avec lui devant moi. Je rentre chez moi et je pleure. C'est une connasse.

A onze ans, je rentrais chez moi une après-midi après l'école. Un jeune homme plus âgé que moi (il devait avoir 18 ans) m'a vue et a fait demi tour pour me suivre. Je suis rentrée dans un magasin pour voir s'il me suivait vraiment. En sortant il était toujours là. J'ai appelé mon père pour qu'il vienne me chercher. Mon père est arrivé en deux secondes à vélo, m'a dit de rentrer et qu'il parlerait au type. Une fois mon père arrivé à la maison, il me dit "Mais pourquoi t'as stressé? Il te trouvait juste jolie". Quand je lui en ai reparlé y'a quelques semaines il m'a dit "Bah c'était une expérience." What.

A treize ans, il y avait des rumeurs sur moi au lycée comme quoi j'aurais couché avec un ami à moi. La personne qui avait lancé la rumeur était ma meilleure amie.

A quinze ans, les garçons de ma classe me regardent avec admiration parce que "je suis un garçon manqué." Je ne suis pas comme les autres filles. Je suis mieux.

A seize ans, après ma première fois je rentre chez moi un peu honteuse. Deux jours après il est avec une autre. Une semaine après il me largue par sms. C'est une pute.

A dix huit ans, un homme dans une grosse voiture m'accoste et me propose deux cent euros. Il est dix heures du matin. J'étais en salopette et espadrilles.

A vingt et un ans, certains de mes potes placent "violer" dans des phrases comme si c'était rien. J'ai les larmes aux yeux.

J'ai appris à être en compétition avec les femmes, à ne pas savoir que penser du sexe, à me sentir mal quand je me faisais jolie comme si je ne méritais pas d'être belle, j'ai appris à insulter celles qui attirent plus le regard que moi, j'ai cru que "pas comme les autres filles" c'était juste un compliment.

Et celles qui disent qu'elles n'ont pas besoin de féminisme insultent toutes celles qui ont mené la marche de nos droits jusqu'ici. Elles insultent les femmes de couleur qui luttent encore plus que les blanches, tellement plus. Elles insultent ma grand-mère, élevée par une femme qui la considérait comme trop idiote pour aller dans une vraie école secondaire comme sa soeur, alors elle l'a envoyée en école de coupe et couture dans laquelle ma grand-mère a été malheureuse comme une pierre. Elles insultent les femmes (et hommes!) qui ont été attouchées, violées. Celles à qui on dit qu'elles sont parano quand elles frémissent en voyant un homme quelques année après, alors qu'on comprend avec compassion les gens qui ont peur des chiens parce qu'ils se sont fait mordre quand ils étaient petits. Elles insultent toutes les petites filles qui n'ont pas le droit à l'éducation. Elles insultent les femmes qui ont perdu leur job à cause d'une grossesse.

Et elles insultent les hommes. Parce que le féminisme, c'est pas seulement vouloir l'égalité. C'est penser que les hommes valent mieux qu'un pénis et de la testostérone.


*drops microphone*

1 commentaire:

T'as vu peut-être que tu es un hérisson, mais un hérisson qui sait écrire, et ça c'est cool.