mercredi 6 juin 2012

The day i became a robot.


J'ai un rapport particulier avec la mort. C'est quelque chose qui ne m'effraie pas. J'ai toujours cette vision enfantine, une sieste pour toujours. Peut-être est-ce dû à une sorte de déni de toutes les émotions possibles qui arrivent face au décès de quelqu'un, ou alors à la façon dont j'ai été confrontée à la mort pour la toute première fois. J'avais quatre ans. C'était mon arrière-grand-mère maternelle. Ma maman n'a pas voulu que je vienne à la crémation. Pourtant j'avais compris. Mais on m'a présenté ça de façon si anodine, sans montrer une once d'émotion, sans trémollo dans la voix, que pour moi, ce n'était pas grave. Je ne verrai plus mémé. Elle ne jouera plus avec moi. C'est tout.
Quand le chien de mes grands-parents est mort, je l'avais présenti. Je tenais vraiment à ce chien. J'avais cinq ans, je jouais sur le tapis, le téléphone a sonné, et mon père a répondu. J'avais compris qu'il parlait à ma grand-mère. Je lui ai demandé "Is Jessie dead?". Il a dit oui.
Et à sept ans, quand mon autre arrière-grand-mère était décédée dans son sommeil, celle de qui j'étais très proche, ça ne m'a rien fait. Détachée. Elle était morte. C'est tout. Elle était là, dans son cercueil, mais je n'ai pas voulu regarder. Mourir c'est ne plus posséder son corps, c'est le laisser sur place. Je ne sais pas vraiment si je crois en l'existence de l'âme. Mais quelque chose de proche. Quand elle fut mise en terre, chacun à son tour jeta une rose sur le cercueil. La mienne tomba à côté. J'étais déçue.
Je me souviens qu'au décès de mes arrière-grands-parents paternels, que j'aimais beaucoup, je me suis forcée à être triste. J'arrive pas à voir la mort comme je le devrais. J'arrive pas à voir ça comme la chose la plus tragique au monde. Mourir c'est partir. C'est la suite.

Et là je veux vraiment soutenir ma maman qui est très proche de sa cousine dont la fille a refait un arrêt cardiaque. Elle ressent sa douleur et elle la vit avec elle. J'ai l'impression de m'être attendue à son décès depuis sa naissance. Elle me veut auprès d'elle alors je garde encore plus la face. Je pense qu'elle a peur tout d'un coup de me perdre. Je m'en veux de ne pas être dévastée, de ne pas avoir peur de la mort. De ne rien ressentir face à ce que l'on considère comme une tragédie. Ma maman est au téléphone avec sa cousine, l'état de sa fille est stable pour l'instant. Mais je ne sais pas trop quoi espérer. Je ne veux pas qu'elle ait huit ans pour toujours. Mais je n'arrive pas à ressentir quoi que ce soit. Parfois je me dis que le seul décès qui pourrait m'affecter serait celui de ma soeur.

Je sais pas.

Jeudi, seize heures cinquante-quatre. Maman vient de m'appeler. C'est presque la fin. C'est dur pour moi de me concentrer sur mes derniers examens. C'est égoïste de vouloir ne pas du tout y penser?

2 commentaires:

  1. Je ne sais pas si j'ai bien compris la subtilité de "kikouter" mais BIEN SUR :D

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  2. 6.6.12

    Il y a quelques mois peut-être maintenant que je te lis avec beaucoup de plaisir, réactualisant régulièrement au cas où tu nous offrirait un autre aperçu de ta vie.

    Je suis donc un de ces hérissons et un de ceux qui savent lire. Ton article aujourd'hui m'interpelle. Déjà parce qu'il est rédigé un mercredi et non un dimanche... et puis à propos du sujet qu'il traite aussi.

    J'ai eu 18 ans aujourd'hui, et j'ai perdu mon père il y a un peu plus de 5 mois suite à un cancer qui a duré plus de 2 ans. Je sais maintenant, à mes dépends, ce que c'est de perdre quelqu'un dont on est vraiment proche.

    Je cois que tu n'as pas à te sentir coupable de ne pas être inquiète à propos du décès de quelqu'un, à dire vrai je crois que c'est peut-être mieux pour toi.
    Moi-même, je ne l'avais pas vraiment entrevu avant la disparition de mon père. J'avais bien perdu ma grand-mère quand j'avais 8 ans, ça m'avait un peu affecté, mais ce qui m'avait taraudé c'était surtout l'idée comme quoi je n'avais pas pris assez le temps de lui parler et de profiter de sa présence... Menfin, rien à voir avec ce que jai pu ressentir ces derniers mois en somme.

    Je crois qu'un jour malheureux, cette peine que j'ai ressenti te prendra à la gorge. J'espère que ce sera le plus tard possible, car quoique les gens disent, perdre quelqu'un alors qu'on est si jeune est pire... car personnellement, j'avais encore besoin de lui. On a tous besoin d'un père, mais à 17 ans, je n'étais pas bien plus grande qu'une enfant, un peu cruche et peut être pas assez autonome.

    Une chose qui est pire que tout ça, serait peut être la perte subite de quelqu'un, quand on a rien vu venir, quand on a pas eu le temps de discuter, de dire les choses à celui qu'on aime... Tu dis que tu as une relation bizarre avec la mort, que cela ne t'effraie pas... et pourtant il me semble avoir lu autre part que de temps à autre tu disais subitement à tes amis à quel point tu les aimes. Et je crois que ça signifie bien à quel point tu pressens comment les choses sont éphémères, même inconsciemment. Et alors, tu dis les choses, franchement, sans regret, car je crois que la meilleure façon de ne pas avoir peur de la mort c'est bien de n'avoir aucun regret.

    Ce qui est terrible avec le décès de quelqu'un, c'est justement ce que tu dis là : "Je ne verrai plus mémé. Elle ne jouera plus avec moi. C'est tout." L'abandon, et l'idée que rien n'y changera quelque chose, l'impuissance dans laquelle on se trouve, et la solitude extrême qui te pèse les premiers temps... Surtout quand ta famille te laisse tomber comme une vieille merde, mais bon, ça normalement, ça n'arrive pas à tout le monde, heureusement d'ailleurs !

    Donc voilà... Je voulais t'écrire ce roman, car je crois que je t'aime bien. C'était le moment pour moi de te laisser mon premier commentaire !
    Je ne sais pas si cela va te faire beaucoup avancer, mais surtout, ne te culpabilise pas... Et puis, je comprends quand tu écris : "Elle me veut auprès d'elle alors je garde encore plus la face."... J'étais pareille auprès de ma mère, mais parfois je me dis qu'elle, qui arrive à parler de sa peine, est plus forte que moi en une certaine façon : elle est plus stable tandis que moi je fais la forte à deux balles et m'écrase en sanglots au premier tournant.

    Menfin, on a beau dire, avec le temps qui passe, le chagrin s'efface un peu. On s'habitue et on se recrée un nouvel équilibre.

    Je te fais de gros bisous,
    Prends soin de toi.

    Estelle.

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T'as vu peut-être que tu es un hérisson, mais un hérisson qui sait écrire, et ça c'est cool.