dimanche 2 décembre 2012

Je pense qu'il est temps que je vous raconte une histoire.


Ana c’est une meuf pas très sympa que j’ai rencontrée quand j’avais quinze ans. On a juste un peu traîné ensemble au début mais elle s’est vite collée à moi. Elle me disait quoi faire, sa voix résonnait dans ma tête, elle était toujours là quand j’étais triste ou fâchée et me disait de me punir. Elle est partie quand je me suis fâchée sur elle après deux ou trois mois. 

Mais elle est revenue me voir pendant mes examens de passage, et elle n’était pas toute seule, elle avait amené sa pote Mia. En quelques jours seulement j’ai accumulé assez de courage pour leur dire de partir. J’ai passé deux ans sans voir ni l’une ni l’autre. 

Et un jour d’automne, légère comme une feuille morte, Ana est venue me voir. Elle m’a dit qu’elle ne m’en voulait pas, elle a promis qu’elle ne resterait qu’une semaine et qu’on ferait du bon boulot ensemble. Elle est restée trois mois et elle souriait fièrement à chaque regard alarmé dans ma direction. Elle prenait possession de moi, parlait à ma place et me brouillait la vue. Tous mes reflets sont devenus des mensonges, je ne savais plus que croire; mes yeux ou ceux des autres. J’acceptais sa présence mais je ne comprenais pas les raisons de sa venue. Elle a dit qu’elle voulait me rendre encore plus heureuse que je n’étais déjà. Elle disait que mon copain de l’époque m’aimerait encore plus. 

Mais il est parti et m’a laissée seule avec Ana qui m’a dit que je n’avais pas fourni assez d’effort et que si je continuais bien avec elle, il reviendrait. Il n’est pas revenu. Et à sa place revint Mia, chaque week-end, effaçant le travail d’Ana qui pourtant persistait. Ana et Mia sont parties main dans la main quelques mois plus tard. Elles m’ont dit qu’elles reviendraient, sans donner de date. 

De temps en temps j’entends Ana frapper à la porte et je lutte pour ne pas lui ouvrir. Le grand-père de mon amoureux dit qu’on voit que je mange juste pour me nourrir, parce que c’est nécessaire. C’est faux. Je mange parce que j’ai peur d’arrêter de manger. 


J’aimerais pouvoir vous dire que l’histoire est finie et que je m’en suis sortie. Je m’entoure de ceux qui ont vu le mal qu’elle m’a fait. Mais parfois je crois que ce sont eux qui veulent qu’elle ne revienne jamais tandis que parfois je me surprends à souhaiter son retour en regardant le petit fantôme que j’étais à dix sept ans.


2 commentaires:

  1. Depuis que je suis ton blog, je pense que c'est la première fois que tu sors à ce point de ce ton léger, de ce trait d'humour qui te va tellement bien... J'ai envie de te dire "courage", mais j'sais pas, j'ai l'impression que le courage n'a rien à voir là-dedans. J'espère juste que tu te sentiras vite mieux.

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  2. C'est énorme, ce que tu as fait là, Meredith. Ta façon d'en parler est si juste... Je suis vraiment touchée par tout ça. De loin, silencieusement, je pense à toi.

    Lexane

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T'as vu peut-être que tu es un hérisson, mais un hérisson qui sait écrire, et ça c'est cool.