dimanche 16 août 2015

Les yeux de ma mère et son silence.

Je dis souvent à qui veut l'entendre que quand on quitte le nid, la relation avec les parents change du tout au tout. Ce ne sont plus que des parents, ils deviennent des humains à part entière avec qui on a de vraies conversations et dont on découvre soudain les goûts. Mon père n'est plus ce type un peu paumé dans sa manière de m'éduquer, il devient un cinéphile et sériephile qui me propose que regarder. Ma mère n'est plus celle qui vérifiait si j'étais bien rentrée de soirée, elle est celle avec qui je prends rendez-vous au pub irlandais le midi pour manger un burger avant d'aller travailler.

Mais toutes ces trois années, ces deux humains sont restés silencieux sur le plus grand mal être de ma vie jusqu'ici. L'ont-ils vu? Ne l'ont-ils pas vu à cause d'une quelconque myopie ou d'un aveuglement? Pourquoi est-ce que je n'arrivais pas à leur en parler? Les mots se coinçaient toujours quelque part entre mon coeur et ma gorge. Je n'ai pas réussi à en vouloir à mon père de ne pas avoir remarqué ma frêle silhouette il y a cinq ans. Un nouveau petit être qui partage la moitié de ses gênes grandissait à côté de lui pendant que moi je rapetissais. Comme si je n'avais pas assez d'énergie pour survivre moi et que je voulais lui transmettre quelque chose à elle. Comme si moi aussi en fait je voulais redevenir enfant. Qu'on me protège, qu'on me porte comme une plume, que je ne doive m'occuper de rien.

Mais dans un coin de ma tête dans mon chemin vers la guérison, dans une petite boîte rangée dans un placard fermé à clé, je crois que je lui en voulais à elle.  Sans raison explicite. Parce qu'elle n'a pas vu. Alors que je vivais chez elle. Peut-être parce que parfois elle grignotait seulement le soir. Peut-être parce que je me suis imaginée des choses en voyant une photo d'elle quand mon père est parti. Peut-être.

Mais assises dans le canapé, je l'écoutais me raconter une autre histoire. Celle de sa mère à elle. Puis un déclic s'est fait dans ma tête et je lui ai pardonné. A demi mot. Avec un regard.


J'ai les yeux de ma mère.

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T'as vu peut-être que tu es un hérisson, mais un hérisson qui sait écrire, et ça c'est cool.